on nous prend vraiment pour des gons!
et c'est vrai qu'on est gons, la plupart du temps. mais jugez plutôt…
de la débauche technologique dans laquelle les fabricants (au hasard de téléphones en tête) nous noient, parfois jusqu'à plusieurs fois par an – un appareil est à peine sorti qu'un autre, six mois plus tard, vient le supplanter, tant il faut à tout prix écouler les stocks, faire du chiffre pour contenter l'actionnaire, sous prétexte de maintenir intact notre obsession consumériste quasi insatiable d'"être à jour" ou d'avoir le dernier jouet à la mode -, de cette débauche, donc, les grands gourous (ils s'appellent tous skippy) ont récemment sorti une tendance de leur chapeau…
… mais qui va, à n'en pas douter, déclencher le fou rire parmi les gens qui prennent soin de se munir d'un minimum de recul.
car en fait, si l'on gratte un peu, on s'aperçoit qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle tendance, mais bel et bien d'une tentative marketing éhontée pour fourguer des appareils qui ne trouvent pas de marché, tant ils sont hybrides, pas très beau et surtout très peu pratiques à utiliser ("dont la praticité n'est pas avérée", comme disent aujourd'hui les mecs qui croient parler tendance).
vous l'aurez deviné, perspicaces comme vous êtes, il s'agit des phablets, mot-valise mixant deux poids lourds de la communication du 21ème siècle: à ma gauche, les phones, à ma droite, les tablets. en gros, ni vraiment des téléphones, car trop gros, ni vraiment des tablettes, car trop petites.
lundi matin, 8h, séance de naming dans la war room (plus tendance que la ringarde "salle de conf")…:
– les gars, on est dans la merde, on a des stocks hallucinants de ces appareils à la con dont personne ne veut. il faut absolument une idée pour les bazarder en les faisant passer pour des gadgets hyper-tendance sans que ça fasse foutage de gueule. je vous écoute…
– euh… chef?
– oui norbert?
– j'ai pensé à un mot-valise…
– un coua?
– vous savez, chef, c'est quand on mélange deux mots pour créer une nouvelle réalité…
– exemples?
– ben… motel, progiciel, tonitruelle, hebdrolmadaire…
– hebdrolmadaire??
– oui, c'est un chameau qui fait rire toutes les semaines…
– bon, on peut rester sérieux deux minutes là?
– ok, alors j'ai pensé à tablone… pour tablette et téléphone…
– oui, ou tablophone (se risque léopold qui n'avait pas ouvert la bouche jusque-là)…
– non, ça fait vieillot, "tablophone"… en plus, ça fait le mec qui téléphone en mangeant du toblerone!!!
la remarque du chef déclenche l'hilarité dans la ouar roume, y compris la sienne.
– bon un peu de sérieux… norbert?
– oui chef, ou alors il y a phablet, pour phone et…
– … tablet, oui j'ai compris.
un silence de mort se fait. et au bout de quelques quasi insupportables secondes, le chef se tape le front et s'exclame, enthousiaste:
– c'est phabuleux! norbert, je vous promeus, personne ne fera mieux, la tendance fera des envieux!!
et c'est ainsi que les ptits gars du bureau des tendances ont écopé du cadeau empoisonné, avec pour mission de le faire passer pour un coup de génie dont personne, désormais, ne pourrait plus se passer.
en réalité, qu'est-ce qui se passe? on ne peut pas vraiment s'en servir comme d'une tablette car l'écran est un peu étriqué. lire un livre? c'est comme écrire un texte a4 sur l'écran d'un mac classic (les moins de 20 ans ne peuvent pas comprendre). écrire un mail? pourquoi pas, il y a bien des gens qui tapent des mails longs comme le bras sur l'écran minuscule de leur blackberry (et avec des touches de pygmées). téléphoner? MDR. les utilisateurs l'avouent eux-mêmes: l'appareil est si grand qu'on a l'air con à le porter à l'oreille pour dire "allô?". la meilleure solution, disent-ils, ce sont les écouteurs. alors à quoi sert-ce? moi, je dis, deux points ouvrez les guillemets WHAT THE FUCK?!?
s'il est impossible de prédire si cette mode d'appareils-qui-ne-trouvent-pas-preneurs-mais-qu'il faut-bien-écouler-parce-que-je-vais-pas-rester-avec-tous-ces-stocks-sur-les-bras-moi-!, une chose, en revanche, est sûre et certaine, c'est qu'on essaie (phénomène tout à fait nouveau dans le marketing, du reste, mdr) de nous prendre vraiment pour des gons (mot-valise avec, à ma gauche, les gogos, et à ma droite, les cons)…
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