
« s » juste ou absurde?
au temps de clément janequin, on écrivait escouter, esperon et estandart mais on les prononçait, déjà, écouter, éperon et étendard. alors pourquoi prononce-t-on le « s » dans estourbir ou esquinter? ah mon brave monsieur, …
… il faut en ce cas se pencher sur l’origine des mots, chose à laquelle le quidam d’aujourd’hui oublie de s’intéresser même s’il en serait bien avisé, trop occupé à tripoter son téléphone ou à rire gras aux blagues des colocataires ou à admirer le cul-i de nabilla. car s’il s’y penchait un tant soit peu, il découvrirait que la forme ancienne escouter provient du bas latin ascultare, elle-même issue du latin classique auscultare. le même verbe latin a donc donné naissance à deux verbes distincts en français moderne. le cas n’est pas rare. dans celui du verbe écouter le « s » de l’ancien français a disparu au profit d’un accent aigu sur le « e ».
mais alors ceux qui suivent demanderont, et ils n’auront pas tort, pourquoi on écrit encore « esquinter » ou « estourbir » (en prononçant le « s ») et pas « étourbir et « équinter ». toujours pour des questions d’étymologie. « estourbir » vient de l’allemand dialectal storb de sterben (mourir), privant le « s » initial d’une raison de disparaître. de même, esquinter vient du latin exquintare « couper en cinq ». et le « x » latin n’a jamais fait naître un « é » en français. par contre, un « s » suivant un « e » (mais également un « a », un « i » ou un « o ») et précédant une consonne dans la pénultième syllabe a été commué en accent circonflexe, comme dans « forêt », « abîme », « côté » ou « noirâtre », phénomène qui ne s’est produit ni en anglais ni en italien, deux langues ignorant le circonflexe ou tout du moins la transformation d’une consonne en accent.
on vient de le voir (si, si, vous venez de le voir aussi puisque vous étiez là), certains « s » se prononcent donc à l’intérieur d’un mot pour des raisons étymologiques. donc, s’il y a une chose qui m’horripile depuis quelque temps, qui me hérisse littéralement le poil (que j’ai rare, du reste, mais c’est une autre histoire que je vous narrerai quand il me tombera un oeil ou que les poules auront des dents), c’est la prononciation dudit « s » sans aucune raison, ni étymologique ni autre. des exemples? oh mais plein, moults, à foison, en veux-tu en voilà, et surtout avec des patronymes: desplat, desplanches, desqueyroux et autres mesrine, et j’en passe et des pires.
si, il faut être juste, il y a une raison: parce qu’un con a décrété que ce s-là devait se prononcer! qu’un abruti s’est immiscé jusque dans les journaux télévisés, à la radio, dans la rue, dans tous les compartiments de notre quotidien auditif (qui s’en trouve, du coup, agressé en permanence), pour imposer cette prononciation débile et hideuse.
ce crétin des alpes (qu’il faut conjuguer au plus grand nombre désormais puisque tous ont adopté cette prononciation illogique) a, ce faisant, ignoré l’étymologie et n’a pas été fichu de se demander comment il aurait prononcé « desplanches » si le mot avait été séparé en deux (oui, comme dans « des planches »). aussi je m’adresse à tous ces décérébrés de la langue (si j’ose cette image hardie), à tous les soi-disants progressistes de l’idiome et je leur demande de prononcer à voix haute ces deux mots, séparément: des planches. un « s » est-il venu s’intercaler dans la prononciation? non? alors pourquoi le prononcez-vous lorsque ces deux mots n’en forment qu’un seul, bande de cons?!?! qui oserait salir le nom de desproges en le prononçant « dessproge »? personne! quel manque de logique, et même de jugeotte…
ignorez-vous donc qu’en français, on ne prononce pas toutes les lettres de la vaste majorité des mots. sinon il faudrait dire « françaiss » pour « français » ou « danss » pour « dans ». et ce serait la valse (haha, danss, gag!) des incompréhensions, la confusion des genres (dess genrz?), comme dirait conchita saucisse, l’infernale (et comique) rumba des malentendus. vous imaginez si on commençait à prononcer « pariss » pour la capitale française? on aurait tôt fait de se croire revenu aux heures sombres de l’occupation! inconcevable. par contre, avec « dessqueyroux », on ne risque pas grand-chose en termes d’incompréhension, et on peut piétiner en toute impunité les oreilles de la logique (si je puis me permettre cette image osée). vous allez me dire qu’en matière de prononciation, personne n’a raison et personne n’a tort. vous n’avez pas raison. et vous n’avez pas tort non plus.
que le parisien dise « avoriaze » là où le savoyard dit « avoria » (et même « avori », l’accent étant placé sur l’avant-dernière voyelle) ne prouve qu’une chose, bon en fait deux: 1. le parisien est ignorant, malgré son complexe de supériorité et 2. le parisien est méprisant de la culture régionale en général (c’est pas nouveau) et de l’arpitan en particulier. curieusement, ce sont les provençaux qui prononcent « mass » pour « mas ». après tout, ils disent ce qu’ils veulent, on ne va pas se les mettre à dos. mais je m’écarte.
or donc, depuis quand prononce-t-on ce fameux « s »?
ici (à genève), il ne viendrait à personne l’idée saugrenue de prononcer « crossnier » le nom de l’artiste et professeur des beaux-arts jules crosnier, mort dans la cité de calvin en 1917, ou « dessplanches » le patronyme du pâtissier local gilles desplanches, au risque de passer pour un bachibouzouk de frouze (oui môssieur, je peux le dire, moi, car je le suis!). pourquoi? au hasard parce que le « s » qui précède une consonne à l’intérieur d’un mot ne se prononce pas lorsqu’il n’y est pas dicté par l’étymologie? oui, mais aussi parce que, dans le cas de desplanches, il s’agit ni plus ni moins qu’un pluriel, comme quand on ajoute un « s » à la fin d’un patronyme anglais, même quand ce dernier se termine par un « s », pour indiquer qu’ils sont plusieurs dans une famille: the woodruffs. même chose pour le patronyme « desqueyroux » (comme « thérèse ») qui est aussi un pluriel (queyrou signifiant « pierre », « caillou »). par contre, va comprendre, charles, lors de la sortie du film mesrine, les journalistes (je ne sais pas ce qui leur a pris) insistaient tous subitement sur le fait qu’il fallait dire « mérine ». what the fuck!?, ai-je envie de dire (et d’ailleurs je ne me prive pas de le dire).
le débat est sans fin et, comme on est en démocratie, on fait ce qu’on veut et on laisse dire, même si l’on n’est pas d’accord. c’est pourquoi, contre vents et marées, envers et contre tous, seul avec mes choco bn, je continuerai à dire déqueyroux, déplat, déplanches, mérine, n’en déplaise aux bachibouzouks.
et toc.
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