barbie à paris

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musée des arts décoratifs, 107, rue de rivoli, 75001 paris. jusqu’au 18 septembre 2016.

c’était la première fois qu’une poupée faisait l’objet d’une invitation officielle de la part d’une institution muséale. oui, barbie était à paris jusqu’à dimanche dernier. et il y a 9 chances sur 10 que vous l’ayez manquée. heureusement, j’étais là. pour comprendre en quoi barbie a révolutionné le jouet en général et la poupée en particulier, il faut remonter aux 18e et 19e siècles, à l’époque où les poupées…

… étaient destinées à mettre les vêtements de la mode parisienne en valeur à travers l’europe. mais, trop précieuse, trop fragile, la poupée en tant que support de mode voit sa popularité décliner à la fin du 19e siècle, au moment où certains fabricants créent des poupées plus conformes à l’image de l’enfance: visages plus juvéniles, morphologies adéquates, vêtements en rapport. mais la poupée – parisienne en l’occurrence – reste, pour nombre de créateurs un objet de valeur habillé à la dernière mode, et pour nombre de parents un objet de méfiance encourageant les fillettes à devenir des femmes superficielles.

en 1945, aux états-unis, elliot handler et harold matson créent mattel (contraction de MATson et ELliot). fabricant de meubles pour maison de poupées au départ et synonyme d’innovation, l’entreprise est vite florissante et les jouets mattel sont toujours attendus avec impatience. mais elle prend un nouveau virage lorsque ruth (1916-2002), l’épouse d’elliot, prend la place de matson en 1947. dotée d’un sens aigu des affaires, elle a l’idée de lancer une poupée qui ne ressemblerait pas aux poupées traditionnelles. les premiers essais sont un échec et les clients ne sont pas intéressés. mais dame handler n’est pas femme à se laisser abattre. très vite, elle perfectionne le processus de fabrication et fait de son jouet une femme libre et indépendante, loin des stéréotypes de l’époque où la poupée représente une femme mariée et mère de famille. les théories sur l’éducation reposant à l’époque largement sur l’imitation – la petite fille imitant sa mère et s’occupant de sa poupée comme d’un enfant – barbie (c’est le nom que prendra le jouet dès 1959) s’inscrit en faux contre toutes les habitudes jusque-là en vigueur dans la société américaine.

de plus, ruth handler a l’idée de génie de communiquer autour de sa création comme d’un vrai personnage, encourageant ainsi l’enfant à développer son imagination en faisant vivre à sa poupée des aventures sans limites. une série de romans publiés dans les années 60 racontent la vie de barbara millicents roberts, barbie de son diminutif, adolescente comme les autres (et accessoirement fille des époux handler), son activité de mannequin exceptée, et dont la biographie reste volontairement floue afin de ne pas restreindre les possibilités de jeu. pour l’anecdote, barbara handler segal a laissé la trace de ses mains sur le hollywood walk of fame en novenmbre 2002. c’est pas tous les jours qu’on est l’inspiratrice de l’une des icones du 20e siècle.

dès lors, la poupée devient un reflet de son temps et des changements sociaux et culturels de son pays, mais aussi de l’évolution de la femme dans la société. ce qui explique, avec le recul, le succès phénoménal de barbie à travers le monde. à cela s’ajoute notamment un marketing innovant destiné naturellement à accroître les ventes, mais aussi à faire en sorte que mattel reste leader face à une concurrence désireuse de se tailler une part du gâteau. c’est ainsi que naissent un magazine, l’envoi de cadeaux et une interactivité permanente grâce à un fan club à travers lequel la poupée recevra, au début des années 1960, plus de 20 000 lettres par semaine. le club barbie s’étandra à tous les pays anglophones dès le début des années 1960 et aussi en france dès 1982.

novatrice, la firme le sera également dans l’amélioration constante de son produit. ainsi, très vite, la « pliabilité » des membres de barbie se fait invisible, puis, avec barbie made to move, la plus maniable de toutes, la poupée peut prendre toutes les positions.

entre-temps, même si son image reste à jamais celle d’une jeune femme blonde, aux yeux bleus et à la peau claire (et, il faut bien le dire, un peu nunuche), ses créateurs se sont vite attachés à lui donner plusieurs visages, par la couleur de sa chevelure (blonde, brune et rousse) mais aussi, plus tard, par la couleur de sa peau. mattel proposera ainsi, dès 1968, une barbie noire, en pleines tensions raciales aux états-unis. au fil du temps, barbie adoptera 14 visages différents, 8 couleurs de peau, 18 couleurs d’yeux, 23 couleurs de cheveux et 4 silhouettes.

de même, la famille de barbie s’est agrandie, entre amis, frères et soeurs, cousins, petits amis (ken carson en 1961, baptisé du prénom du fils des époux handler, et blaine dès 2004). barbie, en femme de son temps, a exercé plus d’une centaine de métiers (dentiste, star du cirque, championne olympique de gymnastique, officier de police, magicienne, sergent du corps des marines, joueuse de baseball, pédiatre, etc.).

elle est aussi devenue une star de publicités très sophistiquées nécessitant l’intervention de véritables équipes de cinéma et de décors miniatures dignes des plus grands films d’animation.

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outre une fabrication aux processus complexes impliquant d’importantes équipes, plus d’une centaine de personnes s’occupe au quotidien de l’image de barbie.

barbie a inspiré le merchandizing du cinéma et de la télévision, les plus grands créateurs de mode, tels karl lagerfeld, christian lacroix, giorgio armani ou christian louboutin, mais aussi des artistes du monde entier.


à bien des égards, qu’on l’aime ou pas, barbie restera une icone du 20e siècle. et ça valait bien une expo…