prêt à ou près de?

une autre de ces petites choses qui me font grimper les murs, comme on dit par ici, et presque au quotidien. ainsi sous les plumes pourtant aguerries de journalistes de la presse écrite comme dans des bouches parfois éparses constate-t-on cette confusion regrettable entre être prêt à et être près de

… dans le même temps, on observe qu’elle s’opère seulement dans les tournures négatives et toujours sur l’adjectif prêt. ainsi mes oreilles se décrochent-elles en entendant des je ne suis pas prête de m’arrêter, mes yeux sortent-ils de leur orbite en lisant des ils ne sont pas prêts d’abdiquer. ah, insidieuse homophonie, que de fautes ne commet-on en ton nom! car si le son est bien le même, le sens, naturellement, diverge, et, pour singer desproges, diverge c’est énorme.

alors à la question que je devine déjà chez certains « mais qu’est-ce qu’on en a à foutre de tes essorillements ou de tes énucléations?!? », je pourrais répondre, oh dieu, bien des choses en somme. par exemple tenez, si l’erreur reste humaine, elle est pardonnable tant qu’elle découle d’une ignorance et qu’à persister dans la bêtise de l’ironie (souvent utilisée par les ignorants), on n’apprend rien et donc on ne s’améliore pas. ou encore que la langue française est trop belle pour ne pas la défendre et que, contrairement à des amalgames entre se rappeler et se souvenir de (qui donnent se rappeler de, entré désormais dans un dictionnaire abdicataire devant la force de l’usage, malgré une timide qualification de « tour critiqué »), qui ne prêtent pas à conséquence, il y a dans la confusion susmentionnée un fâcheux glissement de sens. en bref on parle faux en croyant parler vrai. vain, ce combat? sans doute. mais n’est-il pas plus beau lorsqu’il est inutile? et puis, arrêtons de ne rien faire sous prétexte qu’il y a trop à faire…

voilà, le coup de gueule est passé. venons-en au sens!

je n’apprendrai à personne qu’être prêt à, c’est-à-dire être préparé pour, renferme un sens psychologique, indique une disposition d’esprit, sous-entend une capacité rendue possible grâce à une préparation matérielle ou mentale: elle est prête à toute éventualité, tenez-vous prêts à partir… la tournure négative – je ne suis pas prêt à le suivre – indique donc a contrario un manque de préparation psychique ou physique, voire un refus délibéré.

outre la notion physique de proximité, il y a également dans la locution prépositive être près de celle, temporelle, d’imminence: le jour est près de se lever, les démarches sont près d’aboutir… à l’inverse, ne pas être près de signifie, cela semble évident, être loin de, que ce soit dans l’espace ou dans le temps. nous ne sommes pas près de nous laisser faire veut donc dire « il est loin le temps où nous nous laisserons faire ». ici donc, point de manque de préparation psychologique, mais l’éloignement, spatial ou temporel, décidé ou constaté, d’une action.

cela étant, cette confusion peut sinon se comprendre du moins s’expliquer par la proximité de sens entre les deux expressions: si l’on n’est pas prêt (préparé, mentalement ou matériellement) à faire quelque chose, on n’est forcément pas près de le faire. d’où l’amalgame sur une nuance j’en conviens (un peu d’honnêteté intellectuelle ne fait de mal à personne) assez subtile.

je ne sais pas si tout cela est clair, et encore moins si cela servira à quoi que ce soit. voilà ce que c’est que de n’être pas linguiste distingué ou académicien respecté (mais que font-ils donc toute la sainte journée, ces vieux bonshommes tout verts sous l’illustre coupole?). ce que je sais en revanche, c’est que je ne suis pas près d’accepter ce genre de fautes (essentiellement de la part de professionnels de l’information), et encore moins prêt à les inclure dans mon vocabulaire…