gaspard proust au théâtre du léman


depuis son dernier spectacle (gaspard proust tapine), on l’attendait avec une excitation proche de la crainte, celle que l’on éprouve quand on allume la mèche d’une bombe de table à une fête de famille. et l’explosion attendue ne déçoit pas. car le revoilà avec son nouveau spectacle intitulé… nouveau spectacle. eh oui, à ceux qui se cassent la nénette pour trouver des titres, gaspard proust

… leur répond par la nonchalance un rien paresseuse des esprits brillants. comme à son habitude, il tire sur tout ce qui bouge, dans le désordre et j’en oublie sûrement: la connerie, les politicards, la gauche caviar, la droite le pen, les catho, les juifs, les musulmans, dieu, les terroristes, les bien-pensants, les femmes enceintes, les bobos, les autres humoristes (je vais bien tu vas bien), les nouveaux pères à trottinette,  surprenant de constater que les genevois, pourtant réputés « sérieux tendance coincés », riaient aux éclats, voire à gorge déployée. moi, c’était rire feutré à lèvres pincées, non pas que je sois plus genevois que les genevois, mais parce que je me relevais à peine d’une vilaine bronchite dont chaque prise d’air déclenchait des quintes de toux qui mettaient dix minutes à se calmer. et au théâtre, ce genre de quintes, ça fait mauvais genre. en même temps, ça tombait bien car proust me fait plutôt sourire aux éclats, tant il est vrai que son humour est plutôt cynique et le rire qu’il provoque est un rire d’intelligence. on est donc très loin de l’humoriste lambda. à ce propos, si on hésite à l’étiqueter « humoriste », on le compare quand même régulièrement à desproges. pour la qualité d’écriture, sans doute. pour le côté pince-sans-rire, aussi. cela dit, desproges se laissait souvent aller à « faire des sketches » qui ne se raccrochaient à rien (l’ascenseur, les cintres, etc.). proust ne fait pas de sketches et ne se raconte pas (ou si peu). il n’essaie pas de faire rire en parlant de sa vie. proust, c’est l’humour du quotidien qui prend le présent pour témoin et le désarticule pour en faire une critique acerbe (marrant, d’ailleurs, d’être acerbe, quand on est né en yougoslavie). proust peut agacer, avec son ton monocorde et une méchanceté de façade derrière laquelle se cache… oui, d’ailleurs, qu’est-ce qui se cache derrière la carapace de cet homme qui semble être en guerre perpétuelle contre la bêtise et l’absurdité? le gaspard proust de la rue est-il aussi cynique et acerbe au quotidien? on n’en sait rien car pas grand-chose ne filtre sur sa vie, à part ce qu’en dit wikipédia. ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’il reçoit des récompenses en veux-tu en voilà depuis le début de sa jeune carrière (1er spectacle en 2007). à ce titre, le final de son nouveau spectacle vaut à lui seul une médaille. pendant les quinze dernières minutes, et rappelant au passage au public genevois à quel point l’humanité le désabuse, il dresse le bilan de l’évolution humaine, excusez du peu, depuis l’homme de cromagnon jusqu’à l’homme « connecté », et dont la teneur pourrait presque tenir en quatre mots: tout ça pour ça! à ceci près que son écriture à lui est brillante.