janvier 21

une grande dame du style disparaît

Andrée putman

petite-fille de rose de montgolfier, andrée aynard est issue d'une famille bourgeoise de banquiers et de notables de la région de lyon. elle se destine, par pression familiale (sa mère est pianiste) à…


… une carrière de musicienne. mais elle y met un terme lorsque, recevant le premier prix d'harmonie du conservatoire des mains de francis poulenc, celui-ci lui dit qu'encore dix ans de travail acharné et de vie recluse et elle pourra prétendre, peut-être, à une carrière de compositeur.

elle commence tout en bas de l'échelle, comme grouillot, pour la revue fémina sur les conseils de son autre grand-mère, et passe ses étés à l'abbaye de fontenay, propriété familiale abritant les anciens ateliers des frères montgolfier. par son austérité, sa géométrie, ses vues et perspectives, les jeux de pierre et de lumière, l’incroyable richesse et la diversité des non-couleurs, l'endroit nourrit ses premières perceptions esthétiques qui trouveront un écho dans ses réalisations futures. plus tard, elle dira "avoir gardé de tout cela la plus grande méfiance à l'égard des affreux excès de surenchère".

à 25 ans, en 1950, elle est journaliste et styliste pour deux revues d'art. cela lui permet de côtoyer des artistes et d'être impressionnée par "ceux qui ne cherchent rien d'autre que de rester dans le fin fond de leur sincérité, de leur risque". dès lors, elle cherche à faire le lien entre eux et le reste du monde. à la fin de la décennie, elle épouse l'éditeur, critique d'art et collectionneur jacques putman. de cette union naîtront deux enfants, cyrille et olivia.

dès 58, putman devient styliste pour prisunic et s'emploie à "faire de belles choses pour rien". en 68, elle travaille pour l'agence de style mafia où elle est repérée par didier grumbach, avec qui elle fondera, en 71, créateurs et industriels, agence orientée vers le développement du prêt-à-porter et du textile.

en 78, l'agence fait faillite et andrée putman divorce. elle fonde alors l'atelier écart et réédite des meubles de designers oubliés tels que gaudi, robert mallet-stevens ou eileen grey. c'est dès cette époque que son travail sera reconnu dans le monde entier.

elle travaille à new york, rénove l'hôtel morgans et commence paradoxalement à être demandée en france. jack lang lui demande d'aménager son bureau du ministère de la culture. dès lors, elle ne cessera de se consacrer à l'architecture d'intérieur. dont la villa turque, oeuvre splendide de le corbusier sise à la chaux-de-fonds, en suisse.

en 1997, elle crée le studio qui porte son nom, se paie le luxe de créer des parfums, et en confiera, dix ans plus tard, la direction artistique à sa fille olivia.

andré putman avait horreur du luxe pompeux qu'elle considérait comme une chose polluante. toute sa vie elle s'employa à n'aller qu'à l'essentiel, à la charpente, à la colonne vertébrale.

d'où une oeuvre magnifique de sobriété spectaculaire, d'élégance sereine et d'omniprésente pureté dont personnellement je suis littéralement, inconditionnellement, inexplicablement fou. j'avais eu la chance de voir une exposition sur son travail à l'hôtel de ville de paris sur laquelle j'avais écrit un article (v. 30 janvier 2011, pour celles et ceux que ça intéresse).

andrée putman est morte samedi à paris. elle avait 87 ans. et avec elle disparaît une certaine idée du luxe à la française.