décembre 02

l’impressionnisme et la mode à orsay

L'impressionnisme et la mode

nous sommes encore sous le second empire (1852-1870). la révolution industrielle est en marche et, à paris, qui se positionne déjà comme la capitale mondiale de l’élégance, les « grands magasins » donnent naissance à une forme toute nouvelle de commerce. c’est à cette période extrêmement riche…


… de nouveautés en tous genres que correspondent l’essor et la diffusion de la mode. ainsi, dès 1850, quiconque souhaite suivre les dernières tendances en matière d’habillement peut consulter les journaux spécialisés qui diffusent et commentent les créations des maisons de couture, des tailleurs, mais aussi des magasins comme le bon marché qui commencent à vendre des robes toutes faites de grande qualité aux côtés des éléments permettant de confectionner des vêtements. les modistes prennent le titre de « couturiers » et rivalisent de style avec les maisons de haute couture de paris, qui prolifèrent dès 1875.

dès 1840, le dessinateur industriel s’est diversifié avec le dessin de vêtements pour femmes. La silhouette de la robe ou du manteau qu’il a dessinée est transmise au fabricant qui la complète d’échantillons de tissu collés sur le pourtour. ces derniers permettent au dessinateur de parfaire son esquisse qui sera ensuite vendue aux couturières ou aux magasins qui, à leur tour, en assureront la diffusion et la publicité à travers leurs catalogues.

si les robes sur crinoline (montées sur des jupons à armature métallique) connaissent un développement et un engouement spectaculaires dans les années 1850, les lanceuses de mode s’en détourneront dès 1866, arguant qu’elles sont devenues communes et surtout peu commodes, au profit des robes à queue et des robes courtes. les années 1870 mettront l’accent sur la cambrure de la taille et l’ampleur de la jupe rejetée en arrière. la femme est désormais revêtue d’un arrangement complexe de panneaux d’étoffe, de volants et de drapés, et son buste reste étroitement enfermé dans un corsage baleiné. sa silhouette affinée domine la fin de la décennie.

« peintre » naturaliste de son époque, émile zola rendra d’ailleurs très bien compte de cette frénésie du paraître et de ce commerce moderne qui l’accompagne dans son roman passionnant au bonheur des dames (1883).

l’une des caractéristiques de l’impressionnisme est de rendre compte de la vie contemporaine, en privilégiant la représentation de la figure humaine dans son milieu
quotidien. ainsi l’homme « moderne » est-il saisi dans ses activités habituelles. si les impressionnistes ne sont pas des spécialistes de la physionomie, du costume et de l’habit, ils sont en revanche d’excellents rapporteurs des modes et des attitudes de leur temps. pour eux, le portrait est l’instantané de l’homme dans son cadre familier.

mais les toilettes des dames sont bien plus variées et lancent davantage les modes que celles des messieurs, plus sobres et sans réelles nouveautés d’une année à l’autre (le cercle de la rue royale, 1868, james tissot). l’exposition présente d’ailleurs quelques robes dont l’une, parfaitement conservée, ayant appartenu à prospérine de fleury, épouse du peintre albert bartholomé qui fit d’elle un portrait en pied dans ladite robe (dans la serre, 1881, à ne pas confondre avec une toile du même nom qu’édouard manet réalisa en 1879). ailleurs un ensemble d’été (boléro, jupe, ceinture en toile de lin beige, soutaches et galon noirs, 1867) nous montre la complexité des toilettes de l’époque, mais surtout la splendeur du travail des couturières. toute l’élégance de la robe, simple de coupe, tient à l’arrangement des volants et à la qualité de la mise en forme par un empesage et un repassage délicats (la parisienne, édouard manet, 1875 ou la fameuse robe noire portant la griffe de madame roger, 1878). il faut se rappeler que la femme pouvait porter plusieurs toilettes dans la même journée, selon les circonstances, surtout si c’était une élégante recevant chez elle (portrait de madame georges charpentier et de ses enfants, pierre-auguste renoir, 1878) ou sortant au théâtre, par exemple, et pour qui il était tout aussi important de voir que d’être vue (le balcon, édouard manet, 1868, une loge aux italiens, eva gonzáles, 1874, ou la loge, pierre-auguste renoir, 1874). outre le chapeau, qu’elle porte systématiquement, et cela quelle que soit la saison, la femme est entourée d' »accessoires indispensables » et fonctionnels (dits aussi « de contenance » car créant gestes et attitudes) tels que gants, ombrelle ou éventail.

dès la fin des années 1850, nombre de peintres du mouvement impressionniste naissant – tels frédéric bazille (réunion de famille, 1867) ou gustave caillebotte (rue de paris, jour de pluie, 1877) -, s’essaient à rendre dans leur toile la vie des gens dans leurs habits quotidiens, un peu en réaction à l’académisme en vigueur à l’époque. des écrivains s’en mêlent (théophile gautier, ernest chesneau et bien sûr émile zola qui décrira dans l’oeuvre, 1886, les affres du peintre claude lantier confronté au rendu sur toile d’un veston en velours) et vont jusqu’à féliciter certains lumiéristes de leur audace et surtout de prouver qu’il possible de créer un chef-d’oeuvre en représentant des habits noirs et des paletots.

les impressionnistes considèrent les activités de plein air comme étroitement liées à la mode. pour leurs sujets, c’est une manière d’afficher leur statut social (le précurseur en somme, 1000 fois plus élégant toutefois, de ce que la presse pipol jette aujourd’hui en pâture à ses lecteurs avec ses photos de célébrité portant des tenues en vogue). ainsi, parmi les plus célèbres, le déjeuner sur l’herbe (1865), toile abîmée que claude monet découpa en plusieurs morceaux et qui ne doit pas être confondue avec l’oeuvre à scandale d’édouard manet, et femmes au jardin (1866) du même claude monet, mais aussi lise à l’ombrelle (1867) ou la balançoire (1876) de pierre-auguste renoir.

signe de l’intérêt des impressionnistes pour la mode de leur époque, pas mal d’artistes, connus ou pas, collaboreront à des revues de
mode en signant les gravures et dessins des derniers modèles en vue
de couturières réputées.

l’exposition se tient jusqu’au 20 janvier, de 9h30 à 18h00 (mardi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche), et de 9h30 à 21h45 le jeudi, entrée €12.-. vous avez donc tout le temps d’y aller. mais réservez sur internetvotre billet, de préférence coupe-file, bien pratique pour éviter les files d’attente toujours interminables à orsay

le portrait en pied du début de cet article – qui figure sur l’affiche de l’expo – s’intitule « jeune dame en 1866 » ou « la femme au perroquet », qui était une réponse d’édouard manet à un peintre qui prétendait qu’on ne pouvait évoquer la sensualité avec des modèles habillés. les symboles dont manet parsème sa toile – la posture mi-alanguie, mi-provocante de la jeune femme, son tour de cou, la lorgnette qu’elle tient de la main gauche, probable cadeau d’un amant invisible, sa chemise de nuit elle-même – sont autant de preuves, pour l’époque, de l’érotisme de la scène.