la séduction n’est plus ce qu’elle était chez les hygiénistes…

hier matin, j'étais chez mon "hygiéniste", comme on dit ici, dont le métier consiste à rendre votre sourire plus ou moins présentable pour votre prochain rendez-vous client (ou galant). la mienne est chou comme tout, québécoise de son état, douce et très consciencieuse.

le truc, c'est qu'elle utilise l'adjectif "petit" et l'adverbe "juste" à tout bout de champ. et quand elle commence, il y a de quoi s'inquiéter. "vous avez juste une ptite poche de tartre, sous vos deux ptites couronnes", histoire d'atténuer…

… la pénibilité de la vérité: il s'agit en fait d'un énorme bloc de calcaire que même calgon serait impuissant à éliminer. et qui bien sûr va faire très mal. pour moi, c'est presque pire d'entendre ça que de me faire fraiser une prémolaire à vif. et vas-y que je t'écarte la gencive pour passer cet ignoble instrument de torture qu'est ce pic – le "détartreur" en jargon technique – à la racine de la dent, pour racler là où, évidemment, se logent (et se complaisent) ces foutues bactéries qu'un brossage, même consciencieux, même assidu, ne suffit pas à déloger. et qui bien sûr fait saigner facilement.

"oh oui, dites donc, ça saigne facilement!", renchérissait-elle de loin en loin avec un faux calme apparent sous lequel je ne pouvais m'empêcher d'entendre, au choix, "oh le beau cas/je peux prendre une photo?/première fois que je vois un truc comme ça en 25 ans de carrière/eh les gars venez
voir, vous n'allez pas le croire!".

j'ai tenté de lui dire que "merci je
le sais", mais tout ce que j'ai réussi à faire, c'est d'ouvrir grand
une bouche sanguinolente. la séduction n'est plus ce qu'elle était chez
les hygiénistes. et en effet, chaque fois que je me rinçais la bouche, la seule réaction qui me venait à l'esprit à la vue du résultat de son travail était "OH MON DIEU!".

le dentiste est même venu me faire une mini-anesthésie parce que ladite "ptite poche sous mes deux ptites couronnes" était assez profonde pour nécessiter une intervention… assez profonde. donc "assez" douloureuse. il y a même eu ce court (mais édifiant) dialogue:

– ah, c'est marrant à cet endroit, j'ai toujours neuf dixièmes de mon liquide qui est rejeté!
– super! ça veut dire que je ne serai anesthésié qu'à un dixième?
– non rassurez-vous, c'est sans danger, a-t-il répondu car il connaît ses classiques, en mettant son masque et en approchant inexorablement sa grosse seringue de ma bouche qui, allez savoir pourquoi, refusait de s'ouvrir en grand.

vous l'aviez compris, je déteste le dentiste (en tant que concept, parce que le mien est du genre sympa) et au-delà, je hais la douleur. le jour où un mec inventera la narcose complète-minute, celle qui vous endort le temps d'un traitement de racine, d'un curetage parodontal ou d'un arrachage de molaire, et après lequel vous vous réveillez comme une fleur sans aucun effet secondaire, les poules auront des dents (cariées, sûrement).