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tamara de lempicka à la pinacothèque
jusqu’au 8 septembre se tient à la pinacothèque de paris une exposition passionnante sur une artiste libre, une très grande dame (et une femme très grande) de l’art déco qui se tint pour l’égale des hommes et afficha, malgré ses deux mariages, une…
… bisexualité totalement assumée: tamara de lempicka (prononcer « lempitska »).
née vers la fin du 19ème siècle (ni son lieu ni son année de naissance ne sont clairement établis, tantôt 1898 ou 1900, tantôt varsovie ou saint-petersbourg), tamara gorska épouse en 1916 l’avocat polonais tadeusz lempicki (les graphies varient). la révolution d’octobre les pousse à l’exil et c’est ainsi qu’elle débarque à paris à la toute fin des années 1910 pour entamer une carrière de peintre.
critiqué de toutes parts, l’art nouveau est en nette perte de vitesse depuis quelques années et va progressivement laisser sa place à l’art déco, apparu dès 1910 mais officiellement lancé à l’exposition des arts et métiers qui se tient à paris en 1925. adieu donc arabesques, volutes et lignes courbes,
bonjour rigueur stylistique et « géométrisation » systématique. c’est également cette année-là (1925) que lempicka accède à la notoriété et à la reconnaissance. ses plus belles oeuvres, elle les peindra au cours de la décennie suivante.
tamara de lempicka devient très vite la plus célèbre représentante, dans le domaine pictural, de ce nouveau mouvement qui, comme le précédent, se déclinera dans de nombreux domaines. de sensuelle et érotique, la représentation de la femme va elle aussi évoluer vers une sexualité ouvertement transgressive. ainsi la figure de la garçonne, populaire durant les débuts du mouvement, va servir de modèle à l’artiste, au point de devenir sa marque de fabrique (double 47, 1924).
multipliant les aventures féminines – la première sera une voisine, ira perrot, qui lui servira de modèle (portrait d’ira p., 1930) – et s’affichant volontiers avec des icônes lesbiennes de l’époque, aristocrates (notamment la duchesse de la salle, dont elle fera un portrait très masculin en 1925) ou artistes (notamment la chanteuse suzy solidor, avec qui elle aura une liaison et dont elle fera également le portrait en 1933), lempicka peindra souvent les femmes avec les yeux tournés vers le ciel comme des madonnes aux lèvres sensuelles (et aussi, parfois, les hommes, mais avec des lèvres fines) avec ce style reconnaissable entre tous, habile mélange de renaissance et de cubisme, un style unique et maîtrisé qui faisait ressembler la peau de ses personnages à de la porcelaine.
libre et internationale (elle vivra en pologne, en italie, en russie, en france, aux états-unis et au mexique), tamara de lempicka traverse le siècle à coups de mondanités mettant en scène le luxe et la modernité, se livre à un flirt épistolaire avec le poète italien gabriele d’annunzio (elle sera la seule à ne pas lui céder), divorce en 1928 d’un tadeusz lempicki las de ses liaisons, se remarie en 1933 avec le baron kuffner et souffre de dépression dès 1937.
après une vie trépidante et richissime (dans les deux sens du terme), adulée, puis critiquée, puis oubliée, puis redécouverte (dans les années 1970 avec le renouveau de l’art déco), tamara de lempicka mourra au mexique en 1980.
l’exposition de la pinacothèque met en avant des oeuvres rarement, voire jamais, vues de cette artiste d’exception: croquis préparatoires, rares nus masculins, films 8 mm tournés par des amis, oeuvres postérieures à sa période de gloire (années 1950 à 70) un peu boudées tant par le public que par la critique et que personnellement j’aime moins car stylistiquement moins affirmées.
à voir séance tenante. un conseil: couplez les billets et voyez les deux expositions (celle-ci et celle sur l’art nouveau) dans la foulée.
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