
monteverdi amours baroques
chorégraphie noemie lapzeson, direction musicale gabriel garrido, ensemble elyma.
l’idée
« habiller » les madrigaux baroques de claudio monteverdi de danse contermporaine pour mettre en lumière l’universalité et surtout l’intemporalité du discours amoureux…
le contexte
il y a vingt-deux ans, gabriel garrido et noemie lapzeson s’associent pour monter un spectacle inédit et magnifique. la musique – baroque – est connue. plusieurs maîtres, tels william christie, s’y sont déjà frottés et en ont livré leur interprétation. le baroque en général et le madrigal en particulier sont à l’époque (1990) un genre en plein essor, ils ont remplacé la musique renaissance depuis une bonne dizaine d’années. la danse – contemporaine – est également connue, plusieurs maîtres, tels pina bausch, sont déjà passés (ils repasseront) par là. le mélange des deux, en revanche, est plutôt nouveau, voire audacieux. le spectacle fait sensation, maintes représentations sont données, deux années de suite, à genève et lausanne. c’est un triomphe qui consolide la réputation du chef et de la chorégraphe de maîtres dans leur discipline respective.
et j’ai la chance d’y participer. dans le choeur (disséminé dans le public) la première année, puis l’année suivante, sur scène, parmi les danseurs et avec les madrigalistes (solistes).
pour mon plus grand bonheur (même si je n’y participais pas cette fois), ils ont décidé de remettre le couvert, vingt-deux ans plus tard.
l’avis
étoffé de quelques madrigaux, le programme musical est identique. tout comme la chorégraphie, sur les pièces « anciennes ». mais cette légère déception est vite compensée, d’une part par l’impression, délicieuse, d’être projeté plus de vingt ans en arrière, d’autre part par le fait que l’on « regarde la musique » ou que l’on « écoute la danse ». c’est d’ailleurs l’intention de la chorégraphe argentine née en 1940, avec sa compagnie vertical danse. il ne s’agit pas pour elle d’illustrer la musique de monteverdi par des pas de danse. il s’agit d’en donner un sens scénique, de la donner simultanément à entendre et à voir. monteverdi lui-même écrivit, dans une lettre à un ami, qu’il souhaitait donner satisfaction à l’ouïe comme à la raison, un sens au regard comme à l’émotion. la chorégraphe s’inscrit totalement dans cette démarche. comme le musicien, qui traitait de la même manière un texte profane et un texte religieux, lapzeson abolit les frontières entre l’amour profane et l’amour sacré. et crée une émotion théâtrale, parente selon elle de l’émotion religieuse.
vendredi soir (25 mai 2012), j’ai eu de nouveau 30 ans, car cette émotion était rigoureusement intacte. cette musique, que j’avais l’impression de pouvoir rechanter par coeur, et cette chorégraphie m’ont bouleversé.
deux choeurs de soutien, un de chaque côté de la scène, dix madrigalistes (plus les solistes) scindés suivant les pièces en deux ensembles ou plus de cinq chanteurs et six danseurs – trois femmes, trois hommes -, emplissent l’espace au gré de la musique. outre quelques madrigaux ajoutés, le programme est donc le même qu’il y a vingt ans: hor che’l ciel e la terra en constitue l’ouverture, les chanteurs n’étant éclairés que par une douche qui les révèle progressivement au public derrière un voile. effet garanti. le lamento della ninfa a été ajouté. la voix d’adriana fernandez, qui est pourtant très loin d’être la première venue, est curieusement plus « blanche » que d’habitude. elle manque un peu d’ampleur et de théâtralité pour interpréter tout le désespoir de cette nymphe abandonnée. le ballo di tirsi e clori est quant à lui très bien chanté, mais les différences de voix sont criantes, si j’ose dire, d’un choeur à l’autre des madrigalistes, entre les ténors et les basses (décidément, même parmi les professionnels). mais qui peut, à ce niveau, rivaliser avec la puissance vocale et la prestance tranquille d’un stephan imboden? la danse, elle, est toujours aussi belle. face à face, entourés de leur suite respective, les futurs époux entament une danse préparatoire avant les épousailles. par instants, les corps se font aériens, soulevés de terre par leurs compagnons, en fait par le sentiment amoureux et l’impatience de la réunion. le pianto della madonna, pour soprano soliste, a, si je ne dis pas de bêtise, été ajouté. ici c’est clémence tilquin, logiquement accompagné d’une danseuse soliste, qui l’interprète. ô temps, suspends ton vol. l’instant est quasi magique.
le clou du spectacle, s’il faut vraiment en chercher un, vient avec le magnificat. je me suis revu à la place des chanteurs, à la salle patino, disposés au bord de la scène et offrant leur profil au public. celles et ceux qui connaissaient le spectacle s’attendaient au fameux « déshabillés tout nus » lent des danseurs au fond de la scène, tandis que les chanteurs occupaient les esprits, ce déshabillé intégral qui, la première fois, sous l’effet de la surprise, nous avait fait louper notre attaque il y a vingt ans. certains danseurs ont bien retiré tous leurs vêtements mais en ont remis une partie. si bien qu’il n’y eut vendredi soir que des torses nus. déception. si le nu intégral créait la sensation en 1990, il ne doit plus faire recette aujourd’hui. la chorégraphe a dû décider que le temps n’était plus à la provocation. au bfm de surcroît. allez savoir.
second (grand) moment d’émotion de la soirée: les retrouvailles avec gabriel. dix-sept ans que je l’avais vu, dix-sept ans que j’avais chanté pour lui, aux eaux-vives, pour les vingt ans du centre de musique ancienne. j’entre dans sa loge, il me reconnaît instantanément et me lance un « giamarchiiiii!!!! » accompagné de son fameux sourire radieux et généreux. accolade. si les cheveux blancs se sont installés durablement (de part et d’autre), il n’a rien perdu de son énergie, même s’il est, hélas, atteint d’un mal neurologique inconnu qui réduit sa mobilité. nous prenons un verre en coulisses, parlons du bon vieux temps, je lui dis que j’aurais adoré participer à cette aventure, il me dit que j’aurais très bien pu, s’il avait eu mes coordonnées, ce qui ne fait qu’ajouter à mon regret, tant il est vrai qu’en plus du plaisir de chanter pour lui, cela m’aurait bien plu de me produire au bfm, qui manque à mon « palmarès » ;O). nous nous promettons de nous revoir, voire de rechanter ensemble.
entre-temps, j’avais rencontré un chanteur de mes connaissances qui m’a parlé d’un ensemble renaissance en formation dont il aimerait que je fisse (oui, fisse) partie. à suivre…
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