josé van dam au grand théâtre de genève

José van dam

Monsieur josé van dam était au grand théâtre hier soir. par hasard, j'eus le bonheur de m'y trouver aussi.

celui que l'on décrit volontiers comme intouchable et pourtant si touchant, humble et d'une humanité souveraine, celui qui arpente depuis plus de quarante ans les plus grandes scènes du monde, y côtoyant les noms les plus illustres de l'art lyrique, celui-là même qui impose le silence par sa voix puissante mais veloutée de baryton-basse s'est retrouvé seul en scène, ou presque, accompagné qu'il était par le talentueux pianiste polonais maciej pikulski, qui le suit sur les scènes internationales depuis 1993. en effet, ce monstre sacré se donnait en récital dans un programme articulé autour de la mélodie et reflétant deux pôles essentiels de l'existence: l'amour et l'humour. à propos de l'art du récital,  il a d'ailleurs déclaré:…


… "je l'ai abordé tard, par timidité, parce que là, vous êtes nu, seul avec vous-même… je le continue, bien sûr… si l'on m'engage." l'humilité est décidément l'apanage des grands.

hier soir, le baron van damme (il a été ennobli en 1998 par le roi albert ii) a donné vie à de grands compositeurs – fauré, duparc, debussy, ibert et poulenc – qui avaient eux-mêmes convoqué de grands poètes du xixème siècle – verlaine, leconte delisle, bussine, apollinairecazalis et baudelaire, avec une petite exception pour ronsard et des anonymes du xviième.

n'étant pas familier de ce genre musical, j'ai eu le grand plaisir de découvrir un monde subtil, interprété avec élégance par l'un de ses grands maîtres. à la fois flexible et solide, sa voix – cette voix au timbre si riche – et sa technique parfaitement maîtrisée, toute en sobriété et en retenue, lui ont permis de mettre en valeur les nuances et le raffinement de ces oeuvres tantôt graves tantôt légères. on a même ri de bon coeur en écoutant les chansons gaillardes, bijoux d'humour dépouillés, grâce à lui, des lourdeurs attendues.

ainsi l'offrande, mis en musique par francis poulenc (1899-1963) sur un texte anonyme du xviième siècle: au dieu d'amour une pucelle / offrit un jour une chandelle, / pour en obtenir un amant. / le dieu sourit de sa demande / et lui dit, et lui dit: / "belle, en attendant, / servez-vous de l'offrande." / ha!

l'invitation au voyage, d'henri duparc (1848-1933), sur un poème tiré des fleurs du mal de charles baudelaire (1821-1867) fut un ravissement: mon enfant, ma soeur, / songe à la douceur / d'aller là-bas vivre ensemble! / aimer à loisir, / aimer et mourir / au pays qui te ressemble! / les soleils mouillés / de ces ciels brouillés / pour mon esprit ont les charmes / si mystérieux / de tes traîtres yeux, / brillant à travers leurs larmes. / là, tout n'est qu'ordre et beauté, / luxe calme et volupté… connu mais délicieux à entendre chanté…

ou encore la chanson à dulcinée, d'alexandre arnoux (1884-1973), musicalement traduit par charles ibert (1890-1962): un an me dure la journée / si je ne vois ma dulcinée. / toujours proche et toujours lointaine, / étoile de mes longs chemins. / le vent m'apporte son haleine / quand il passe sur les jasmins…

un beau moment d'émotion, quelque peu gâché les ving premières minutes par ma voisine de loge, une vieille rombière qui n'eut jamais l'élégance d'attendre la fin des airs, pourtant courts, pour tousser bruyamment, trifouillant sans arrêt son sac à main pour en extirper soit des mouchoirs soit des bonbons, et qui, dans un geste qu'elle croyait discret, les ouvrait tout doucement, provoquant ainsi une nuisance sonore certes de faible intensité (pas assez cependant pour passer inaperçu) mais qui du coup s'éternisant devenait proprement insupportable. il y a des gifles qui se perdent, vraiment. parenthèses fermées.

un beau moment d'émotion qui restera, hélas pour celles et ceux qui n'y étaient pas, unique. cela dit, pour les amateurs de moments rares, josé van dam sera de nouveau au grand théâtre du 14 au 31 décembre 2010 dans une opérette en trois actes de franz lehár, la veuve joyeuse. à ne pas louper car, l'artiste n'étant plus dans sa prime jeunesse, il a annoncé que l'année 2010 serait celle de ses adieux à la scène. vous voilà prévenus…