gli angeli et la passion selon saint-matthieu

passion selon saint matthieu, bwv 244, de johann sebastian bach (1685-1750). ensemble gli angeli, dir. stephan macleod, évangéliste: jan kobow (ténor), christ: ralf grobe (basse), johannette zomer (soprano choeur 1), maria keohane (soprano choeur 2), pascal bertin (alto choeur 1), barbara kozelj (alto choeur 2), charles daniels (ténor choeur 1), valerio contaldo (ténor choeur 2), stephan macleod (basse choeur 1), benoît arnould (basse choeur 2). victoria hall, dimanche 1er mars 2009, 17h00. représentation unique, 210′ avec 30′ d’entracte.

le récit
la condamnation à mort du christ racontée par l’évangéliste matthieu. en latin passio domini nostri jesu christi secundum evangelistam matthaeum, en allemand matthaeuspassion, la passion est pour beaucoup l’une des oeuvres vocales les plus abouties de bach. le compositeur avait apparemment l’intention d’en écrire trois autres, mais nous n’en connaissons qu’une, la passion selon saint jean, moins réputée.

l’histoire
cette passion a été jouée pour la première fois le 15 avril 1729 (elle sera remaniée deux fois, jusqu’à la version définitive en 1736), en l’église saint-thomas de leipzig, où bach est maître de chapelle de 1723 à sa mort en 1750…

à chacune des trois représentations,
elle recevra un mauvais accueil, leipzig étant une cité protestante
marquée par un piétisme austère, hostile aux effets dramatiques et à la
puissance d’émotion de cette musique.

le récit du messie condamné mis en musique
l’oeuvre est avant tout un texte, existant depuis
longtemps, mis en musique: le récit de la mort de jésus considéré comme le messie, tiré de la fin de l’évangile selon saint-matthieu, plus exactement des chapitres 26 et 27. il faut rappeler que ce
récit n’est pas neutre et qu’il a été écrit pour amener le lecteur à
croire en une vie nouvelle. bach a dû à son tour méditer et
interpréter à sa manière ce texte pour savoir comment le mettre en
musique.

la base: un récit psalmodié.
comme bach n’a pas le droit de mettre la passion en scène, il doit se contenter d’un drame sonore, un oratorio. le texte à mettre en
musique, une traduction allemande du grec, est écrit en prose et comprend six pages. bach choisit de le restituer intégralement. il le fait
chanter par un même chanteur, sur une ligne musicale qui change
constamment pour accentuer tel ou tel mot du récit. c’est le principe
de la psalmodie. le chant est juste ponctué d’accords de clavecin.

inventions de bach et structure de l’oeuvre
bach ajoute à cette première psalmodie d’autres couches de
musique qui donnent à l’œuvre une ampleur considérable, une toute
autre étoffe que la sobriété de cette première ligne un peu nue:

– il fait chanter toutes les paroles rapportées dans le récit par des
voix différentes, ou encore par tout un chœur. certains chanteurs
assument plusieurs rôles (jésus, pierre, judas, pilate, etc.).

– il introduit des pauses dans la lecture. ce sont les réactions des
croyants. ils sont sensibles à l’histoire et comprennent son sens. ils
interviennent toujours avec des phrases très calmes, de grandes
respirations chantées par tout le chœur. il y en a douze. on les
appelle des chorals. leur texte a été composé par le poète picander, de son vrai nom christian friedrich henrici (1700-1764).

– il introduit des chansons appelées arias à chaque tournant de l’histoire. le récit est interrompu par un
personnage qui chante son émotion. le plus souvent, le chant est
d’abord annoncé dans une psalmodie qu’on appelle un récitatif. il résume la situation et introduit le chant suivant. il y a
quinze arias et dix récitatifs en tout. la plupart sont
chantés par des voix seules. picander a également écrit les paroles des
arias.

– le récit de la passion est précédé d’une grande ouverture. la première partie est clôturée par un final. la seconde partie est également ouverte par une pièce et l’œuvre s’achève par un grand final.

– bach utilise deux chœurs, l’un après l’autre, ou les
deux ensemble, comme deux voix qui se mêlent, ou bien à l’unisson.

structure rapide
onction à béthanie, trahison de judas, la sainte cène, prière au mont des oliviers, arrestation de jésus, l’interrogatoire devant le grand prêtre, reniement de pierre, judas dans le temple, jésus devant pilate, flagellation, simon de cyrène, crucifixion, descente de croix.

les interprètes
gli angeli. stephan macleod est né en 1971 à genève. après 10 ans de violon et 7 ans de piano au conservatoire de musique de genève, il commence l’étude du chant dans la classe de michèle moser. à 19 ans, il entre dans la classe d’ursula buckel à genève et, parallèlement, dans celle de kurt moll à cologne. il étudie aussi le lied avec hartmut höll et se perfectionne avec gary magby à lausanne. sa carrière de concertiste a commencé alors qu’il n’avait que 21 ans. l’ensemble qu’il a fondé, gli angeli, est une formation à géométrie variable destinée aux musiques de chambres vocales et instrumentales, de 1600 à 1750. il est composé de musiciens menant des carrières de soliste mais, et c’est la particularité de l’ensemble, pas exclusivement dans le domaine de la musique baroque, leur éclectisme étant justement garant de la fraîcheur de leur enthousiasme et de la sincérité de leur recherche. hier soir, le victoria hall a fait salle comble pour un concert magnifique maîtrisé de bout en bout, avec un stephan macleod qui, chose plutôt rare, dirigeait et chantait simultanément. les voix étaient toutes belles, sans exception, et l’oeuvre est apparue dans toute ses subtilités par le truchement d’une interprétation dépourvue de l’effet de masse grâce à un nombre de chanteurs limité. tout simplement époustouflant.