le curriculum vitae de dieu

Cv_de_dieu_2après avoir tout créé, après avoir tout fini, dieu s'ennuie et pense qu'il est, lui aussi, fini. il fait un peu de poterie mais il a perdu la foi. aussi décide-t-il de chercher du travail. et comme on fait dans ces cas-là, il rédige son curriculum vitae et l'envoie sur terre à un grand groupe qui, séduit, le convoque pour une semaine de tests et d'entretiens.

(im)pertinent et fin, le curriculum vitae de dieu, 5ème livre de jean-louis fournier (1995), est un petit régal qui se dévore avec le sourire, parfois même avec quelques éclats de rire. il faut dire que l'auteur, ex-complice de pierre desproges (on lui doit notamment l'intitulé de la dépêche afp annonçant le décès de l'humoriste: "pierre desproges est mort d'un cancer. étonnant, non?"), est un virtuose du bon mot, un équilibriste de l'absurde, un champion du cynisme tendre. ainsi sommes-nous témoins non seulement des entretiens de dieu avec le directeur du personnel mais également de toutes sortes de choses comme le rapport de ses sorties nocturnes (à l'issue desquelles il rentre pompette à son hôtel) consigné par l'ange gardien chargé de sa protection rapprochée.

dieu s'ennuie tellement à créer des choses parfaites qu'il se met à inventer des difformités chez les êtres humains ("j'oublierai jamais le fou rire que je me suis offert quand j'ai créé le premier hydrocéphale"). c'est ainsi que naissent pieds-bots, becs-de-lièvre, purpuras et autres spinabifida.
qu'est-ce que ça veut dire?, lui demande le directeur du personnel.
c'est du latin, c'est une malformation très grave de la colonne vertébrale, répond dieu.
est-ce que vous avez pensé aux parents?
ils n'ont pas à se plaindre, ils ont une vignette automobile gratuite par enfant handicapé.

ça, c'était bien avant où on va, papa? (prix femina 2008), le livre qu'il a dédié à ses deux fils gravement handicapés dont l'un est décédé à l'adolescence. chez fournier, le cynisme masque souvent une pointe de tristesse dissimulée sous une épaisse couche d'humour. et cette drôlerie décalée, qui met parfois mal à l'aise, on la comprend un tout petit peu mieux quand on sait que son médecin de père menaçait à chaque repas du soir de se suicider, allant jusqu'à prendre un couteau pour feindre de se trancher les veines. habituée à cet humour macabre et pour toute réponse à cette provocation quotidienne, sa mère proposait à ses enfants une autre portion de haricots. mais jean-louis fournier, celui qu'on n'a cessé de prendre pour alain, celui du grand meaulnes, et qui a écrit le petit meaulnes (2003) par réaction, a l'élégance de ne jamais s'apesantir ni de s'apitoyer sur son sort.

du grand art qui n'est pas donné à tout le monde…