mai 12

le musée de la fondation martin bodmer

Fondation bodmer

l'histoire en deux mots
martin bodmer

(1899-1971) se met, dès l'âge de 16 ans, à collectionner des livres
rares. il quitte zurich pour genève où, dès 1942, il transfère sa
collection, à cologny précisément.

après la guerre, il reprend son projet de créer une bibliothèque de la littérature mondiale
qui réunirait les écrits les plus marquants de l'histoire de
l'humanité, non seulement dans les domaines littéraire et artistique,
mais également
religieux, scientifique et politique. aux manuscrits s'ajouteront au
cours des ans tablettes cunéiformes, papyrus et monnaies antiques.

son ambition est de
retrouver l'itinéraire intellectuel et spirituel de l'homme depuis son
origine, et d'en rassembler les témoins dans une bibliothèque. son
musée, il le conçoit comme un lieu mental où ses compagnons invisibles
converseront avec lui par-delà les siècles*. le 6 octobre 1951, il
ouvre sa bibilothèque – la biblioteca bodmeriana – contenant tous ses trésors mais discrètement tenue à l'abri des regards. "elle
tente d'embrasser l'humain dans sa totalité, l'histoire telle que la
reflète la création spirituelle à travers tous les âges et dans toutes
les parties du monde
", déclarera-t-il en 1970*.

un mois avant sa mort, le 26 février 1971, martin bodmer fera don de sa bibliothèque à une fondation de droit privé reconnue d'intérêt public, c'est-à-dire accessible au public.
contenant à l'époque quelque 150'000 pièces, elle est considérée comme
l'une des plus belles bibliothèques privées de tous les temps.

le musée
ainsi découvre-t-on des incunables aux côtés
d'éditions originales, des manuscrits rares aux côtés de partitions
annotées de leur auteur. du plus ancien exemplaire connu de l'évangile selon saint-jean aux épreuves, corrigées par proust lui-même, de du côté de chez swan, en passant par le livre des morts égyptien, des oeuvres majeures du marquis de sade, de servantes ou de goethe, la collection émerveille un peu plus à chaque pas. ici on trouve un exemplaire rare de la bible de gutenberg, là les 95 thèses que luther placarda sur la chapelle du château de wittenberg
et qui donneront le coup d'envoi à la réforme. au sous-sol on s'attarde
sans en croire ses yeux sur quatre ou cinq tablettes de papyrus
rédigées en copte. leur découverte récente pourrait bouleverser l'un
des piliers de l'histoire chrétienne en réhabilitant, deux mille ans
plus tard, celui que nous prenons tous pour le plus grand traître de
l'histoire de l'humanité: judas. ce manuscrit très endommagé raconte en effet que judas connaissait la véritable nature de jésus
et que ce dernier, après l'avoir initié, lui aurait demandé de le
livrer aux autorités afin de pouvoir retourner vers la lumière.

l'avis
abasourdi
par tant de trésors, l'oeil passe de vitrine en vitrine (qui s'illumine
seulement à l'approche du visiteur), ne
découvrant que 400 de 160'000 pièces d'une collection époustouflante,
patiemment constituée sur une période de 55 ans. à approcher du bout
des yeux tant de génie, on en ressort à la fois enrichi et écrasé par
sa propre insignifiance. cela étant, on ne peut qu'être un peu amer
devant un certain paradoxe: si tant d'esprit a permis à une partie de
l'humanité d'avancer, pourquoi ne lui a-t-il livré aucune clé pour
créer une paix et une harmonie durables? je refuse de sombrer dans le
fatalisme en croyant que l'intelligence finira toujours, de quelque
manière que ce soit, par s'incliner devant la bêtise. même si le monde
tel qu'il évolue semble en apporter chaque jour une nouvelle preuve
accablante… petit bémol cependant: à part le descriptif propre à
chaque oeuvre
exposée, ne figure dans ce musée aucun panneau explicatif concernant la
collection, la
démarche de martin bodmer, le taux de rotation des expositions
temporaires (3 environ par an) ou de la collection permanente exposée
(1 fois environ par an), le soin apporté
à chaque livre ou manuscrit (par exemple, ils ne laissent jamais un
livre ouvert trop longtemps pour éviter d'en endommager la tranche, ou
ils tournent régulièrement les pages d'un livre afin de ne pas trop le
marquer). le site internet est plus loquace sur ce point. cela étant,
une visite régulière à cette fondation est donc, à ma connaissance, le
meilleur remède qui soit pour garder foi en l'homme.

musée
de la fondation martin bodmer, 19-21, route du guignard, 1223 cologny,
ouvert du mardi au dimanche de 14h à 18h, entrée chf 15.-. prochaine
expo temporaire: trésors du siècle d'or russe, de poutchkine à tolstoï, du 16 mai au 13 septembre. et pour en savoir plus, rendez-vous ici

photo jean mohr
* tirés du site internet de la fondation