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zouc par zouc
monologue de zouc retranscrit par hervé guibert, avec nathalie baye, théâtre du rond-point, avenue franklin-d.-roosevelt 2bis, 75008 paris, dernière le 30 décembre 2006. 4 pouces
une rencontre coup de foudre, un texte poignant…
isabelle von allmen à la ville, zouc est une personnalité différente et attachante, authentique et très émouvante. petite, déjà, elle cherchait la sincérité dans les relations humaines, « qu’il se passe quelque chose, bon ou mauvais, peu importe ». née en 1950 à saint-imier (jura suisse), elle fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, dont le premier à 16 ans et demi. elle déclarera par la suite y avoir été bien. arrivée à paris, elle rencontre hervé guibert et lui propose…
… d’écrire un livre-témoignage à deux. « Ce texte s’est fait en huit après-midi, dans les premiers jours de juin. Zouc me parlait et je retranscrivais au fur et à mesure ce qu’elle me disait. Nous nous voyions dans un café, sur la rue, au bord des passages. Malgré sa concentration à se remettre dans les images passées, Zouc restait disponible à l’événement extérieur. Elle continuait à observer et à saluer des voisins, à se laisser aborder, à dresser l’oreille à chaque sirène d’ambulance. Un homme qui venait de faire cinq ans de prison et en était sorti le matin même, lui a parlé. Il l’avait vue à la télévision. Il faisait beau. Je n’ai pratiquement pas posé de questions à Zouc, même « de relance »: elle savait exactement où elle allait et, pour rire, finissait certaines phrases par: « Point, terminé, à la ligne ». Un jour, elle est arrivée en me disant sa crainte de l’exhibitionnisme sordide, de l’impudeur, de la dérision. Mais toutes ces histoires qu’elle me racontait, elle ne les avait pas « toutes prêtes dans la poche ». Chacune a sa motivation, sa logique. Et l’expérience est unique. Je n’ai pas voulu leur imposer un ordre, une chronologie, comme je n’ai pas voulu trop limer les excroissances du langage, les répétitions. Le style original était trop direct. Lors de la dernière entrevue, j’avais une crampe dans le pouce, à force de l’avoir contracté sur un stylo pour lui faire noircir un cahier entier. Zouc, gentiment, me l’a massé tandis que je relisais l’entretien précédent. » (hervé guibert, extrait du dossier de presse)
paru en 1978 (guibert a 23 ans, zouc 28), le texte est émouvant et grave mais n’est pas dénué d’humour. on y décèle (et l’interprétation de nathalie baye y est pour beaucoup) une grande pudeur et une grande simplicité.
la mise en scène
très sobre, avec pour tout décor 4 chaises (l’actrice s’asseyant sur chacune d’elles à tour de rôle), et une table d’appoint sur laquelle est posée une serviette en papier avec laquelle l’actrice s’amuse tandis qu’elle parle. au fond de la scène, plongé dans la pénombre, un acteur-prétexte incarne un hervé guibert silencieux, dépositaire du témoignage.
zouc en deux (bons) mots…
« on me disait que j’étais 1 garçon manqué, je trouvais l’expression complètement con: je suis une fille manquée! » ce trait est révélateur de l’acuité de sa perception du monde et de son mal-être; « je vous aime, aimez-moi », cri du coeur souvent symptomatique des artistes qui ont un besoin fou d’être aimés et reconnus, et qui prend chez zouc une dimension particulière.
en 1997, à la suite d’une opération, zouc a contracté une maladie nosocomiale qui l’a laissée gravement handicapée et l’a empêchée depuis de reprendre son activité théâtrale.
hervé guibert
journaliste et écrivain né en 1955, auteur notamment du protocole compassionnel et de à l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, hervé guibert apprend en 1990 qu’il est atteint du virus du sida. il meurt en décembre 1991 des suites d’une tentative de suicide.
nathalie baye
née en 1948, danseuse classique de formation, nathalie baye débute au cinéma dans faustine et le bel été (1972), de nina companéez, mais c’est françois truffaut qui la fera connaître l’année suivante dans la nuit américaine. en presque 40 ans de carrière, elle a tourné plus de 70 films, sous la direction des plus grands, n’hésitant pas à casser son image d’actrice lisse.
elle est magnifique de tendresse par rapport au texte, mais surtout par rapport au personnage dont elle interprète les propos. nathalie baye est magnifique tout court. sans essayer de singer zouc, ce qui eût été complètement déplacé et hors sujet, elle laisse cependant transparaître la personnalité de l’artiste, à travers par exemple cet enthousiasme naturel à chaque début de phrases ou en remettant sa mèche en place ou encore en pliant en douze la petite serviette en papier posée sagement sur ses genoux.
c’était la dernière de ce splendide spectacle le 30 décembre 2006 à paris. espérons qu’il sera repris, en suisse ou en france. si c’est le cas, n’hésitez pas un seul instant: courez-y…
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