cosí fan tutte…

Cos_fan_tutteopera bouffe en deux actes de wolfgang amadeus mozart, livret de lorenzo da ponte, mise en scène jean jourdheuil, bfm, salle théodore turrettini, place des volontaires, genève, jusqu’au 20 novembre, 210′. http://www.geneveopera.ch

ferrando et guglielmo sont fiancés à deux soeurs, dorabella et fiordiligi. un vieux philosophe cynique, don alfonso (aidé par despina, servante des deux soeurs) veut leur prouver que leurs adorées sont infidèles et peuvent parfaitement les tromper, comme le font toutes les femmes (cosí fan tutte), pour peu qu’on en trouve le moyen. les deux jeunes gens acceptent d’entrer dans le jeu du vieillard et, faisant mine de partir à la guerre, reviennent déguisés en…

albanais. sous ce costume, ils courtisent les deux belles (non sans mal car les deux jeunes femmes sont fidèles). mais voilà que leur plan déraille: chacun se retrouve à courtiser la fiancée de l’autre. les couples d’origine sortiront-ils indemnes de ce jeu de l’amour et de la cruauté?

la mise à l’épreuve de la fidélité (ou la victoire de la ruse sur la chasteté, comme dans les liaisons dangereuses) est un thème cher à la littérature du xviiie siècle, notamment. dans l’intrigue qui nous intéresse ici, ce postulat est d’autant plus artificiel que les deux fiancées sont amoureuses et sérieuses. faire d’elles des êtres finalement frivoles et volages (donc faibles, une manière de faire descendre la femme du piédestal de la perfection) n’a donc de sens que pour des hommes cherchant à imposer leur pouvoir sur les femmes en les manipulant en même temps qu’à justifier leurs propres faiblesses (c’est-à-dire leur inconstance amoureuse). mais curieusement, cette preuve de l’inconstance féminine les remet sur un pied d’égalité avec le sexe faible. étrange démarche pour un sexe qui domine l’autre depuis la nuit des temps. pourquoi diable se donner tant de mal pour nous convaincre que la femme est aussi inconstante que l’homme. lui serait-elle égale en fin de compte? et on dit que les femmes ont l’esprit retors…

les chanteurs se produisent à tour de rôle un soir sur deux. hier, dans le rôle de fiordiligi, jacquelyn wagner, arrivée la veille à genève, remplaçait au pied levé la chanteuse en titre. elle a donc répété toute la journée pour la représentation du soir. cela explique sans doute son jeu un peu rigide et son petit trou de mémoire / couac au milieu du second acte. mais chapeau bas car l’exercice est difficile (même si elle était très certainement familière du rôle). c’est ce qui s’appelle se mettre en danger. interprétant dorabella, mais un peu âgée pour le rôle, monica groop a une très jolie voix pourvue de belles nuances dans les aigus comme dans les graves. bo skovhus (don alfonso) et janja vuletic (despina) ont des voix parfaitement adaptées à ce type de comédie, la première dotée d’un timbre rond et chaud, la seconde d’un timbre brillant et pointu. sans parler de leur talent de comédien.

un spectacle de qualité, servi par un éclairage très cru et des décors minimalistes traduisant moins les lieux de l’intrigue que la psychologie des personnages. à voir si vous aimez le lyrique et que vous ne rechignez pas à rester assis(e) quatre heures (avec une demi-heure d’entracte)…